Cessez donc, cessez donc, ô vous, les jeunes mères,
Berçant vos fils aux bras des riantes chimères,
De leur rêver un sort ;
Filez-leur un suaire avec le lin des langes.
Vos fils, fussent-ils purs et beaux comme les anges,
Sont condamnés à mort.
Théophile Gautier, La Comédie de la mortThéophile Gautier, La Comédie de la mort, (1838), Œuvres poétiques complètes, Bartillat, 2004, « La Mort dans la vie », p. 160.
Derrière la multiplicité des motifs pour « dire la mort », il y a aussi une préoccupation d'ordre métaphysique : si la poésie de Rollinat est complètement imprégnée de la peur de la mort, c'est avant tout parce que la finitude relève d'un problème existentiel, un problème pour la pensée qui engage l'homme à réfléchir sur son rapport à la temporalité. Les Névroses pourraient même être lues comme une façon d'exhiber l'incertitude dans laquelle l'homme est placé pendant toute sa vie : comment vais-je mourir ? comment la mort surviendra-t-elle ? Les Névroses sont en quelque sorte une anthologie de situations morbides qui sont toutes là pour rappeler au lecteur (comme au poète) : souviens-toi que tu vas mourir.
Le recueil apparaîtrait ainsi à bien des égards comme un « Memento mori », renouvelé : renouvelé car s'il y a bien l'angoisse de la mort, et la répétition lancinante qui dit « tu vas mourir », il y a aussi le désir et la nécessité de s'en détacher. Ainsi, nous allons essayer de peser le poids de la sincérité par rapport à une autre attitude de Rollinat face à la mort : le rire, la dérision, voire l'auto-dérision.