Il est né en 1867, et mort en 1905.
Il appartient à une famille de la bourgeoisie intellectuelle juive assimilée (c'est-à-dire de juifs républicains laïc). Son éducation est très soignée, si bien qu'il développe très tôt des aptitudes intellectuelles qui font de lui un enfant très doué : il est trilingue très jeune et connaît parfaitement le latin. Ce point est majeur car il marque le début d'une érudition exemplaire qui transparaîtra dans ses œuvres, notamment dans ses biographies imaginaires.
Son père est journaliste au « Phare de la Loire », un journal publié à Nantes, dans lequel Marcel publie son premier article, à 11 ans, sur Jules Vernes.
En 1881, il quitte sa famille pour faire ses études à Paris où il réside chez son oncle, Léon Cahun, conservateur à la bibliothèque Mazarine. Petit à petit, il apprend plusieurs langues dont l'anglais et l'allemand et il acquiert une solide connaissance de la littérature anglaise.
Il rentre en classes préparatoires au lycée Louis-le Grand, mais échoue au concours d'entrée de l'ENS car il n'a pas le profil scolaire. Pourtant, il continue ses études à la Sorbonne et arrive premier à la licence de lettres, devant les élèves normaliens.
Son intelligence lui permet de développer des activités nombreuses et très éclectiques :
Il est intéressant de replacer Schwob dans l'historie littéraire, car même s'il paraît assez inclassable, de part l'imagination et l'érudition dont il fait preuve, il semble que son œuvre soit imprégnée de ce qu'on appelle l'esprit fin de siècle. En effet, les choix esthétiques de Marcel Schwob vont dans le sens d'une complaisance pour le macabre.
On peut notamment évoquer les morts des personnages biographés dans les Vies Imaginaires et pour n'en citer qu'une, la mort de Clodia, matrone impudique :
Elle périt vers le matin d'une nuit étouffante par un étrange retour d'une habitude qui avait été la sienne. Un ouvrier foulon l'avait payée d'un quart d'as; il la guetta au crépuscule de l'aube dans l'allée, pour le lui reprendre, et l'étrangla. Puis il jeta son cadavre, les yeux ouverts, dans l'eau jaune du Tibre.
Le détail portant sur ses yeux, grands ouverts, est inutile en soi. Cette précision montre comment le narrateur porte un œil esthète sur la mort de Clodia. Cette mort les yeux ouverts est aussi un détail ironique de la part du narrateur : alors que dans toute la nouvelle, on nous décrit Clodia comme une femme fatale, grâce à « ses grands yeux flambants, » la puissance de son regard est illusoire face à la mort. Cette ironie finale est aussi la marque de l'esprit décadent.
Ou encore, dans « les Striges », in Coeur double, la description d'une morte est tout à fait dans cet esprit décadent :
La morte était couchée sur le lit ; elle avait la figure verte et une multitude de petites rides autour de la bouche et aux tempes. Nous lui avions attaché un linge autour des joues pour empêcher ses mâchoires de s'ouvrir. Les papillons de nuit secouaient en cercle, près de la torche, leurs ailes jaunes ; les mouches se promenaient lentement sur le haut du lit, et chaque bouffée de vent faisait entrer des feuilles sèches, qui tournoyaient. Moi, je veillais au pied, et je pensais à toutes les histoires, aux mannequins de paille qu'on trouve le matin à la place des cadavres, et aux trous ronds que les sorcières viennent faire dans les figures pour sucer le sang.
Voilà que s'éleva parmi les huées du vent un son strident, aigre et tendre ; on eût dit qu'une petite fille chantait pour supplier. Le mode flottait dans l'air et entrait plus fort avec les souffles qui éparpillaient les cheveux de la morte ; cependant j'étais comme frappé de stupeur et je ne bougeais pas. (p57-58 dans l'édition Phébus - ou en ligne : en ligne)
Un autre trait caractéristique de l'écriture décadente est l'utilisation de mots rares ou un emploi décalé des mots qui donne à l'écriture une certaine dimension maniériste. On peut citer des expressions comme « un vin maigre, » « l'argent natif, » « enfermé dans une cellule nue, » « le vif-argent » (ancien nom du mercure).
Le langage est motivé par des associations parfois incongrues. Le goût pour le détail va dans le même sens : les « délicats gants de chevreau à revers en dentelles de Flandres » du Capitaine Kid par exemple. Ce goût du détail se retrouve chez d'autres artistes décadents ou symbolistes, c'est-à-dire de la même période chronologique. Chez Gustave Moreau par exemple, dont les tableaux sont une sorte de synthèse entre la complaisance pour le macabre et le goût de détail dont nous venons de parler à propos de Marcel Schwob. Chez Witold Wojtkiewicz aussi, un peintre polonais dont certains tableaux semblent n'être composés que par l'accumulation des détails et des coups microscopiques de crayons (voir notamment : Jeune paysan jouant de l'harmonica, 1903 - musée national de Varsovie).