Tartuffe, en vrai "faux dévot" est installé chez Orgon et sa famille. On peut s'intéresser à ce que l'on appelait alors les "directeurs de conscience"...
Au XVIIème siècle, il s'agissait de prêtre chargé de donner des directives en matière de morale et de religion à une personne ou aux membres d'une communauté religieuse. On peut à cet égard les rapprocher des moralistes. C'est sous cette appellation de directeurs de conscience (ou de moraliste) qu'on va classer les figures de La Bruyère, Pascal, Bossuet.
Il est intéressant d'étudier la toute puissance des directeurs de conscience dans le Tartuffe à deux niveaux :
Les directeurs de conscience étaient souvent installés à demeure dans les maisons des particuliers. Il s'agit d'un fait social, qui fait l'objet d'une observation précise des mœurs par Molière.
Dans le texte de la pièce, le vocabulaire et la rhétorique de Tartuffe sont directement empruntés au langage de la dévotion. On peut notamment citer le goût pour les formes brèves, à savoir la sentence ou la maxime.
III, 3 : Que le ciel à jamais par sa toute bonté
Et de l'âme et de corps vous donne la santé...
Tartuffe prend le ciel à témoin (d'où des apostrophes) pour dégager une morale, une attitude à suivre.
Par ailleurs, Tartuffe prête une attention toute particulière à tout ce qui concerne la tentation, notamment à l'acte III, 2, le sein de Dorine excite la réprobation. Le regard de Tartuffe n'est pas annodin, il correspond à une préoccupation des moralistes de l'époque : le frère de Boileau, par exemple, qui était abbé, écrit un traité dont le titre est De l'abus des nudités de gorge, en 1675...
Molière peint d'après nature.
Sous l'influence du Jansénisme, les moralistes instaurent une volonté moralisatrice qui soit conforme à la chrétienté. Cette vie nécessite, par l'austérité, d'imiter l'existence de Jésus. C'est en tout cas ce que prône Pascal, ou encore Bossuet.
Mais la pratique de la comédie n'est pas conforme à cet idéal de vie austère : le Christ n'a jamais ri et le rire est indigne de la gravité des mœurs chrétiennes selon Bossuet. La comédie est une école de l'immoralité. Cela explique les attaques des moralistes à l'égard de l'art de Molière.
Par ailleurs, avec son Tartuffe, Molière dépeint un dévot qui en complète contradition avec l'image austère prônée par les moralistes : Tartuffe est gras, il mange et aime la bonne chair ! Cette représentation contribue à réaliser une satire acerbe de la fausse dévoterie qui se cache derrière la religion pour profiter des familles en se faisant entretenir à demeure.