L’art produit un plaisir communicable car il n'est pas un concept. Le plaisir ne nous enferme donc pas dans notre ego sentant, coupé de tous les autres. Les beaux-arts sont les arts du plaisir partagé. Comme les facultés de connaissance s’exercent mais qu’il n’y a pas de réelle connaissance, on peut communiquer sans fin, le fondement d’une conversation infinie, on discute sans fin des goûts et des couleurs.
La sensibilité a une valeur humaine universelle. Le jugement de goût simule l’objectivité de la connaissance.
Le jugement de goût détermine son objet (en tant que beauté) du point de vue de la satisfaction en prétendant à l’adhésion de chacun, comme s’il était objectif.
Le plaisir du beau ne se déduit pas d’un concept ni de l’adéquation d’un objet à l’idée de sa perfection. Il ne se réduit pas non plus à une simple sensation agréable variable selon les individus. Il est énoncé a priori et non par imitation. L’assentiment esthétique ne peut être contraint par le plus grand nombre ni par des règles à suivre. Le goût se présente comme s’il était à la fois objectif et subjectif. Il a la forme de l’objectivité sans le contenu conceptuel et la forme de la subjectivité sans le contenu empirique. Il porte sur la convenance entre la forme de l’objet et la forme de notre faculté de connaître. La forme de l’objet s’accorde immédiatement à la forme de notre faculté de connaître. Il y a « une animation réciproque de l’imagination dans sa liberté et de l’entendement dans sa légalité. ».
Le goût apparaît ainsi comme un véritable sens commun à condition de bien vouloir appeler sens « « un effet de la simple réflexion de l’esprit. ». Le sujet apprend à s’expérimenter dans sa dimension universelle. Le jugement de goût prédispose à la moralité de ce fait à la moralité. Peut-on assigner à l’art cette fonction d’universelle communicabilité qui est celle de la science ? Le concept se construit, l’art se ressent. Hegel n’a peut-être pas tort de vouloir réabsorber l’œuvre dans le concept. Mais l’universalité du concept ne tient pas compte de la dimension aussi sensible de l’homme. Schiller verra justement dan sl’art le moyen de construire l’homme total, à la fois sensible et intellectuel, d’une sensibilité intelligence et d’une intelligence sans froideur.
Pour Cassirer, Kant est le premier à montrer l’autonomie de l’art et à réconcilier l’objectivité et la subjectivité dans l’art : objectivité car il y a présence d'un contenu dans l'œuvre, et subjectivité car il y a prise en compte de la créativité de l'artiste.
Les théories de l’imitation mettent l’accent sur l’objectivité mais « Toutes ont dû faire sa part dans une certaine mesure à la créativité de l’artiste. ». L’accentuation du pôle objectif n’est jamais allé jusqu’à la suppression de l’élément subjectif. C’est avec Rousseau que l’élément subjectif devient prépondérant. « L’art pour lui n’est pas la description ou la reproduction du monde empirique mais un débordement d’émotions et de passions. » (Essai sur l’homme). C’est comme le définissait Goethe, un art de caractère. Mais là non plus le pôle objectif ne disparaît pas car la subjectivité s’incarne dans des formes.
La notion kantienne de forme esthétique réconcilie l’objectif et le subjectif dans un parfait équilibre. C’est donc sur la forme du sensible que l’art travaille. Il ne va pas au fond des êtres mais il reste à leur surface.
Le véritable sujet de l’art, il faut le chercher dans certains éléments structuraux fondamentaux de notre expérience sensible elle-même : dans les lignes, le dessin, dans les formes architecturales et musicales. Ces éléments sont, pour ainsi dire, omniprésents. Ils sont dénués de tout mystère, manifestes, non dissimulés. Ils sont visibles, audibles, tangibles. En ce sens, Goethe n’hésitait pas à dire que l’art en prétend pas montrer la profondeur métaphysique des choses, il se contente de rester à la surface des phénomènes naturels.
Mais la surface, c’est l’être même du sensible que l’artiste nous invite à voir :
Le regard de l’artiste n’est pas un regard passif qui reçoit et enregistre l’impression des choses. C’est un regard constructif, et ce n’est que par des actes constructifs que nous pouvons découvrir la beauté des choses naturelles. Le sens du beau est la sensibilité à la vie dynamique des formes, et cette forme ne peut être appréhendée que par un procès dynamique correspondant, situé en nous-mêmes.