Celle dont la dépouille en ce marbre est enclose
Fut le digne sujet de mes saintes amours.
Las ! depuis qu'elle y dort, jamais je ne repose,
Et s'il faut en veillant que j'y songe toujours.Ce fut une si rare et si parfaite chose
Qu'on ne peut la dépeindre avec l'humain discours ;
Elle passa pourtant de même qu'une rose,
Et sa beauté plus vive eut des termes plus courts.La Mort qui par mes pleurs ne fut point divertie
Enleva de mes bras cette chère partie
D'un agréable tout qu'avait fait l'amitié.Mais, ô divin esprit qui gouvernais mon âme,
La Parque n'a coupé notre fil qu'à moitié,
Car je meurs en ta cendre et tu vis dans ma flamme.
C'est fait de mes Destins ; je commence à sentir
Les incommodités que la vieillesse apporte.
Déjà la pâle mort, pour me faire partir,
D'un pied sec et tremblant vient frapper à ma porte.Ainsi que le soleil sur la fin de son cours
Paraît plutôt tomber que descendre dans l'Onde ;
Lorsque l'homme a passé les plus beaux de ses jours
D'une course rapide il passe en l'autre Monde.Il faut éteindre en nous tous frivoles désirs,
Il faut nous détacher des terrestres plaisirs
Où sans discrétion notre appétit nous plonge.Sortons de ces erreurs par un sage Conseil ;
Et cessant d'embrasser les images d'un songe,
Pensons à nous coucher pour le dernier sommeil.