Le maniérisme correspond en art à la période entre la Renaissance et le baroque, c'est-à-dire entre 1530 et 1610, moment où le baroque prend son essor. Pendant longtemps, cette période a été considérée dans l'histoire de l'art comme la « Deuxième Renaissance », donc comme un avatar de la Renaissance. Mais une autre approche, plus récente (amorcée par le théoricien Curtius) considère le maniérisme comme le chaînon manquant entre la Renaissance et le Baroque.
Il semble que ce soit l'épidémie de peste en Italie en 1527 et le sac de Rome la même année qui aient provoqué la rupture avec l'esprit de la Renaissance. Ces deux évènements marquent en effet la rupture avec l'idéal d'harmonie qui prévalait. On entre dans une ère de soupçon : s'impose alors la conviction d'une décadence, d'une dégénérescence, après les grandes découvertes faites à la Renaissance, le climat est plus austère et inquiet. C'est dans ce climat d'incertitude que va se développer le maniérisme.
En parallèle à ce climat d'inquiétude qui s'installe dans le sud de l'Europe, la créativité, et le génie artistique s'affaiblit : vers 1520, l'opinion en Italie était que la peinture avait atteint l'âge de la perfection avec Michel-Ange, Raphaël, Titien ou Léonard : aucun problème de dessin ne semble plus présenter de difficultés. On était parvenu à la règle d'or de la beauté et de l'harmonie et on pensait même avoir dépassé les statuaires antiques.
Pour preuve de cette admiration sans conteste de la Renaissance, on peut noter que François Ier, en 1526, fait appel à des artistes italiens pour réaménager un fastueux palais à Fontainebleau. (C'est ainsi que naîtra, en France, l'école de Fontainebleau). A ce propos, il est à noter que l’arrivée du maniérisme en France se confond largement avec l’épanouissement véritable de la Renaissance dans ce pays, et ne constitue donc pas une deuxième phase à part entière comme en Italie.
Une telle admiration pour la génération précédente avait de quoi décourager les jeunes artistes. Ainsi, certains des nouveaux artistes s'acharnaient à une imitation aussi fidèle que possible de la manière de Michel-Ange. Mais le résultat frisait parfois le ridicule. C'est ainsi que, plus tard, on a désigné leur art sous le nom de maniérisme.
D'autres, au contraire, ne croyaient pas que l'art avait abouti à une impasse et pensaient donc qu'il fallait avoir recours à l'imagination. Ils recherchent l'étonnant, l'inouï. D'où les caractéristiques que nous verrons plus bas.
Le mot maniérisme renvoie au mot manière, lui-même renvoyant à la main : ainsi, on comprend que c'est la subjectivité de l'artiste qui compte. C'est un art de la subjectivité et de l'expressivité. Ce qui importe, c'est le savoir-faire, puisqu'il s'agit d'un style d'imitation. Vasari, dans ses Vies d’artistes (1550), reprend ce terme de maniera, qui fait référence au style des artistes, et ne connaît pas d’interprétation péjorative avant la fin du XVIe siècle.
Le maniérisme exige de ses artistes des oeuvres qui surprennent, enchantent, affolent, inquiètent. Le récepteur est incertain. Mais l'objectif est de déclencher une émotion.
C'est un art de la sensation, de l'émotion et du sentiment : les artistes cherchent à rendre la stridence du son. Le maniérisme recherche élégance, raffinement, insolite, effet de surprise, caractéristiques que l'on retrouve ensuite dans la poésie et l'art baroque.
Après les grands maîtres la Renaissance, l’art est parvenu à un tel degré de perfection, que les artistes puisent leurs sources d’inspiration chez leurs aînés : il s’agit ainsi avant tout d’un art de citation, d’imitation, mais non d’un copiage servile. Les artistes jouent avec les règles, varient sur la perfection, rivalisent de virtuosité en variant les formes, les canons. Les corps s’allongent, prennent des positions élégantes, revêtent en peinture des couleurs acidulées, comme on peut le voir chez Pontormo et Rosso, les deux grands peintres florentins du maniérisme.
Cet affranchissement ludique des règles est également visible en architecture : Jules Romains, le meilleur élève de Raphaël, simule un état de ruines dans la nouvelle demeure de plaisance qu’il édifie pour le duc de Mantoue : le Palais du Té. Il pratique en effet des décrochements dans les corniches, joue des contrastes en opposant une pierre à peine dégrossie aux surfaces parfaitement polies.
Généralement, l'oeuvre maniériste relève d'un travail d'orfèvre d'où :
Notons que ces qualités formelles se retrouvent également à des époques ultérieures, autorisant les critiques à qualifier certaines œuvres de maniéristes.
En littérature, les caractéristiques majeures sont l'harmonie imitative, la rhétorique du contraste et de l'opposition (oxymores, antithèses), les allusions et le contournement, les métaphores souvent filées.
C’est au château de Fontainebleau que l’on trouve les exemples les plus frappants de cette nouvelle manière, dont les fondements sont nés en Italie, mais qui trouve un terreau fertilisateur et son plein épanouissement à Fontainebleau. François Ier avait en effet appelé dans un premier temps Rosso Fiorentino, chargé en 1532 de l’aménagement de la Galerie François Ier, manifeste de la Renaissance en France, selon un « dispositif maniériste », comme le relève Patricia Falguière. Il est en effet tout à fait caractéristique de voir le cadre des fresques s’animer en de belles cariatides de stuc, sculptées en ronde-bosse et sortant ainsi de l’illusion picturale où on les avait jusque-là laissées (cf. les sibylles de la Chapelle Sixtine peintes par Michel-Ange, modèle absolu pour les maniéristes). Le cadre devient ainsi autonome et se charge de motifs décoratifs, qui, aux cariatides, ajoutent des motifs de cuirs (cartouches enroulés comme des rouleaux de parchemin), des putti, des guirlandes de fleurs, etc. Ce foisonnement des espaces intermédiaires, par leur emplacement, mais de première importance quant à l’effet produit sur le spectateur répond à la variété et au luxe des matériaux employés (stuc, bois pour les lambris tapissant la partie inférieure de la galerie, pigments), introduisant une riche palette chromatique. Comme le souligne Patricia Falguière : « l’arsenal décoratif de la Renaissance italienne est porté à une dimension inédite […] ».
On pourrait également citer l’ancienne chambre de la duchesse d’Etampes, où Primatice, appelé par le roi à partir de 1540, et qui restera à la cour de France jusqu’à sa mort, introduisit des nymphes au corps longiligne et sinueux, typiques de cette manière.